Chinoiseries

« Les circonstances ont fait de la Chine mon principal objet d’étude, mais ce hasard n’était pas absurde parce qu’après tout, je pouvais supposer un rapport entre ce pays dont on savait si peu de choses et l’inconnu qui m’appelait. »

 

BILLETER Jean-François, Un paradigme, Paris, éd. Allia, 2012, p.68-69

 



de chine #2 [objet numérique]

 

création artistique : anne penders

conception numérique : antoine fatoux

 

 

 

 

 

 

 

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un projet réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, service de la promotion des lettres,

accueilli en résidence en ligne à La lettre volée.

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de chine [objet numérique] est un prolongement de de chine [marseille],

un projet polymorphe de anne penders réalisé en résidence aux

Ateliers de l'image à Marseille en 2009/2010.

 

 

 

contact : dechine@riseup.net

 

 

 

 

[la création sonore chinoiserie a reçu le soutient de l'ACSR Bruxelles (production de "l'empreinte"). Improvisation / voix : isabelle bats, réalisation : anne penders, montage : anne penders & yvan hanon, mixage : yvan hanon, remerciements : yves robic ]

de chine


[Bruxelles]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

©2011-2013  Anne penders

L’année du Serpent d'Eau

 

 

Année venimeuse ?

L’année du Dragon d'Eau

 

 

Année favorable aux réussites les plus folles et inattendues, l’année du Dragon favorise la fertilité et la fécondité. Mais attention au souffle de feu, sa chaleur est parfois illusoire... Quant à l'eau, elle peut aussi tout emporter sur son passage... Une année positive si l'on conjugue ses forces.

L’année du Lapin de métal

 

 

Année de repli, l’année du Lapin favorise les plaisirs simples, la créativité et le resserrement des liens sociaux. Bien que les années de métal soient conflictuelles, la douceur du lapin annoncerait plus de justice et un retour au calme après les bouleversements du Tigre. 

Je quitterai la Chine, même de loin. Je la quitterai un peu plus.

Je laisserai à nouveau la Belgique derrière.

Il y aura d’autres chemins, d’autres orients.

J’irai à pieds. Accompagnée. J’irai autre part.

 

Le temps aura rattrapé le temps.

L’arbitraire [de l’achèvement].

 

Cessation/sécession.

 

 

 

 

Le pouvoir — de dire [non / aussi].

 

 

 

 

 

 

 

[ma dernière lettre envoyée de Chine a mis six mois pour te parvenir…

à celle-ci comme aux autres, tu n’as pas répondu.]

« Ce sera une vision occidentale. (…) Essayons d’abord d’interroger une tradition qui nous constitue ici, depuis au moins deux mille ans. Essai rapide, en croquis, questionnaire en suspens. »

 

KRISTEVA Julia, Des chinoises, ed. des femmes, Paris, 1974, p.19

Juillet

 

 

Soleil du nord. Sous les ombrelles, la parade des égarés.

Uniformisation du sensible, en tentative, partout.

 

 

Les mots, silex acérés, les mots s’enverront comme des flèches /

par retour du courrier. Fusion, fission, dissolution, contagion, (r)évolution ——————— de quel air connais-tu encore la chanson ?

Je chine

Tu chines

Il chine

Nous chinons

Vous chinez

Ils chinent

 

 

Transitoire énumération du geste d’écrire.

Hors des légendes, un jour, on sort tout nu.

« Signe : enfin délivrant des litanies de mots, des phrases ne reposant que sur des phrases, se continuant en phrases il libérerait le cerveau de sa suroccupation locale. »

 

MICHAUX Henri, Par des traits, ed. Fata Morgana, Montpellier, 1999 (non paginé)

 

 

 

 

 

 

 

 

[la Chine, déterminée, passe le monde au crible – de ses intérêts]

Tisser des armures ou s’entrainer à la transparence ?

Disparaître dans les plis ou découdre les ourlets ?

 

Le choix des mots : un acte.

 

 

 

 

 

Juin

 

 

———————— le silence est une classe sociale.

 

Parler betterave, soja, café crème. A chaque terme sa prison.

Le nœud / un langage en soi.

[tout est combat] —————————— l’essentiel, c’est la terre.

 

Faudra-t-il (en) tirer les conséquences / un trait / sa révérence ?

« (…) bien que le socialisme chinois ou l’« ère Mao » soit de plus en plus lointain et étranger dans l’univers culturel de la Chine contemporaine, tout ce qui se passe en Chine aujourd’hui est, d’une manière ou d’une autre, indissociable de l’héritage et des dettes historiques de l’ère Mao. Durant tout le processus du gai ge kai fang (les réformes économiques et la libéralisation des marchés), la reconstruction des classes et des rapports de genre a manifesté, sous des formes complexes et souvent inattendues, l’inextricable enchevêtrement du passé et du présent. »

 

DAI Jinhua, « Classes et rapports de genre dans le discours dominant en Chine », in Le miracle chinois vu de l’intérieur, Paris, ed.Alternatives Sud, 2005, p.154

« L’indifférence générale » se gratte le nombril les pieds dans la merde.

Même le cours des saisons s’en émeut.

Les perruches vertes ont franchi les limites du parc, elles parviennent aujourd’hui aux lisières des jardins. L’éclat et l’assurance de leur vol impressionne merles et pigeons / mais —————————————— quelle place leur laisseront-elles ?

 [Grand, un invariant ?]

 

 

 

 

 

 

Quand on ne laisse aucune place à la marge, qu’advient-il de la page ?

 

 

 

 

 

[terre brûlée ne réchauffe pas]

La mer recule. Sans fracas.

C’est quand elle avance que se dérobe / le sol

———————— érosion de l’écorce, transformation du paysage.

Qui se souvient des pans de falaises tombés ?

 

 

Passé. Futur.

Les conseils du Grand Vénérable. Dépêchés du ciel.

L’art de la guerre. L’art de plaire. Les pieds en-dedans.

Le présent. Vulnérable.

Plus tard, le Grand Timonier, le Grand Bond en avant, le grand saut ?

 

(pour ma grand-mère, un chinois, c’était un ustensile de cuisine).

 

 

 

Mai

 

 

 

 

 

« Pensez futur, apprenez le chinois ! »

« Le fictif n’est jamais dans les choses ni dans les hommes, mais dans l’impossible vraisemblance de ce qui est entre eux : rencontres, proximité du plus lointain, absolue dissimulation là où nous sommes. La fiction consiste donc non pas à faire voir l’invisible, mais à faire voir combien est invisible l’invisibilité du visible. De là sa profonde parenté avec l’espace, qui, ainsi entendu, est à la fiction ce que le négatif est à la réflexion (…). »

 

FOUCAULT Michel, La pensée du dehors, ed. Fata Morgana, Montpellier, 1986, p.24

Il reste les débris. Les effondrements. Les herbes folles.

 

 

 

D’ici à la Mer Noire, la Chine.

Dans les replis du paysage, ses contorsions.

Le communisme ? un éboulis.

 

Une marque. Une faille.

Un manque ?

 

 

La Chine.

Ou l’épuisement de la répétition.

Penser / une force.

Dire, son pouvoir — (de) voir.

 

 

 

 

 

 

 

——————————————— un long chemin.

Avril

 

 

Le train. L’odeur du charbon.

Réminiscences chinoises au petit matin ———————— t’emportent.

 

Le silence en main.

Quelque chose de nous n'a pas d'heure.

Quelque chose ————————— du lieu au coeur du propos / le feu.

 
 
 
 
 
 

Souvent / partir manque ———————————————————— de mots.

J'ai traversé l'ouvert / trop vite.

Sur le quai, ne m'attendait que l'ombre des nuages. Et les mouettes — indifférentes.

 

Il était tard — en face.  [tu / en retrait]

 

Elle m'a dit : parle moi d'aventure.

Devant l'église, on buvait du thé  ——— là / hors

les mots, le rapt de ce qu'ils signifient.

 

C'est pourtant de proximité qu'il s'agit : vous reprendrez bien un peu de Chine  ? une bouchée ? un baiser ? un bouquet ? / derrière l'oreille, le parfum des jours surpris.

« Au début des années 1920 éclate dans les parties plus évoluées de la société chinoise ce que l’on ne peut appeler qu’une « crise de l’absurde (…) Ce sentiment de l’absurde est probablement le symptôme d’une phase de transition dans l’effondrement d’un vieux schéma d’interprétation du monde dont il devient de plus en plus évident qu’il n’est plus pertinent, même s’il exerce encore son emprise sur l’esprit des gens.»

 

ELVIN Mark, « les multiples révolutions chinoises » (2011) in La Chine et l’ordre du monde, Revue Agone 52, 2013, New Left Review, ed. Agone, Marseille, 2013, p.106-107

De loin / les mots ————— tissent le fil sur lequel je marche.

L'ordre ne dit rien [à personne]

 

Voilà. (le lieu où tu te cachais) / l'histoire – unique, minuscule.

 

Elle. N'aime pas les listes — rigides encoignures. Préfère ce qui dure / à peine, ce qui tombe / en pluie, en flocons.

[les pétales des cerisiers du Japon]

 

La foudre parfois.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– ce qui de l'oubli / demeure

«Dire, c’est nommer. Nommer, c’est s’approprier, concrètement ou symboliquement. En ce qui concerne le lieu, tous les éléments sont à prendre en compte : linguistiques, sémantiques, topologiques, écologiques, mythologiques… » 

 

PELLETIER Philippe, L’Extrême-Orient. L’invention d’une histoire et d’une géographie, Paris, Gallimard, coll. folio histoire, 2011, p.21.

Mars

 

 

 Au plus près du ciel — tout change / tout se dissipe. Tout advient.

 

Le désastre, c’est l’homme.

 

 

 

 

 

 

Hors, le soleil guette.

« Les écrivains et les artistes révolutionnaires de la Chine, les écrivains et les artistes qui promettent, doivent aller parmi les masses ; ils doivent, pour une longue période, aller inconditionnellement et de tout cœur parmi les masses d’ouvriers, de paysans et de soldats, aller au cœur de la lutte, à cette source unique, cette source la plus vaste et la  plus riche, afin d’y observer, d’y expérimenter, étudier et analyser toutes sortes de gens, toutes les classes, toutes les masses, toutes les formes de vie et de lutte, toutes les matières premières de la littérature et de l’art. Alors seulement pourront-ils procéder au travail de création. » 

 

Mao TSE-TOUNG, cité par Guo Mo-Tuo dans « La joie de lire et les six poèmes du Président Mao Tse-Toung », chronique publiée dans le Quotidien du Peuple, le 12 mai 1962, in Mao Tse-toung, poésies complètes, introduction par Hua-ling Nieh Engle et Paul Engle, coll. Poètes d’aujourd’hui, Paris, Seghers, 1973, p.161

Au mépris de l’homme, les containers.

Notre devenir grec passe par la Chine.

 

L’inhumaine condition.

Au profit de quel profit, votre mission ?

D’Athènes à Marseille, d’Anvers à Naples, qui dira les privilèges passés à l’intelligence du dragon ?

Ciel de neige. Encore. Tombera ? Tombera pas ?

(Je croise une Chinoise. Puis deux. Puis trois.)

 

Ici, les regards se voilent. Ne s’appartiennent plus.

Ciel chargé — d’histoires, d’avions, de flocons.

Ciel chinois. Me croiras-tu ?

 

 

 

Egrainer la météo évite : le froid dévie du fond.

Remplir le vide contourne / le front — ce que tu fais.

 

De l’autre côté de la terre s’entortille le serpent venimeux.

[une sphère a-t-elle des côtés ?]

 

 

 

Tu y retournes. Tu lui montres. Tu expliques.

Les dragons. Le feu. Les batailles.

Avec le sérieux de celui qui a peur du noir.

 

 

Dimanche, le serpent terrassera le dragon. Il se glissera pour un an au revers du calendrier et nous, sur le qui-vive.

 

Tu racontes.

Les dragons. Les escaliers. La tour.

Tu veux y retourner. Le pavillon chinois. La Tour japonaise.

— hier, j’ai filmé tout ce que tu as vu —

Les buissons de bambous dans la neige. Les lions de pierre.

Les sages assis sur le toit.

 

 

Ciel bleu, magnifique couleur de vent en rue, tous regardent leurs pieds.

Février

 

 

Le geste. Le geste d’Asie. Cette parole en soi.

Un rythme.

 

Quand le geste change, peut-on pour autant parler d’assimilation ?

Qu’est-ce qui, du geste, intègre ?

Qu’est-ce qui, de lui, n’oublie jamais ?

« Dans notre pays,

Il ne devrait pas y avoir de sombres soirs,

Ni de hauts ponts au-dessus des fleuves,

Ni cette heure même entre la nuit et l’aube,

Ni tout ce long hiver, c’est dangereux.

Car étant donné la misère

Il suffit d’un rien

Et les hommes rejettent

L’insupportable vie. »

 

BRECHT Bertholt, La bonne âme du Setchouan, Paris, L’Arche, 1990, p.44 (première édition allemande 1955)

 

La neige.

Illusion de ce qui apaise.

Un cocon de froid.

La résurgence / ces jeux où l’on crie.

 

 

 

 

Janvier

 

 

L’exil. La présence au quotidien de ce qui n’est plus / dans aucun présent.

 

Le souvenir, c’est pareil    l’espace inviolable

de ce qui fut.

 

 

 

J’ai quitté la Chine depuis trop longtemps. Ce que je cherche d’elle ici n’a sans doute déjà plus cours là. A moins que…

Ce que je trouve ne percute qu’en surface / un décor fragile, tendu sur ce qui n’a rien à voir. La Belgique, territoire malléable, a-t-elle un devenir chinois ?

« Le « poétique » ici ne désigne aucun contenu résumable, ne désigne pas non plus l’horizon utopique ou le système de valeurs qui sous-tend, soutient ou oriente les luttes politiques en cours ou le projet politique en général, mais ce qui, du réel, suscite l’écriture, insiste dans l’écriture, résiste à l’écriture ; interrogé et travaillé comme tel, comme ce à quoi, ici-maintenant, à tel moment de notre histoire individuelle et collective, on se heurte. »

 

GLEIZE Jean-Marie, Opacité critique, in « Toi aussi, tu as des armes », Paris, La fabrique éd., 2011, p.38

 

 

 

 

 

 

 

 

La verticalité de l’écriture chinoise, les montagnes sacrées.

La Belgique plate. L’horizontalité comme processus de pensée.

 

[on tombe de moins haut]

 

 

Tu marches et tu cherches.

La ville / par devers toi.

La Chine ?

 

Ils viennent. En foule. En ligne.

Ils suivent. Un drapeau. Un parapluie.

Pour voir quoi ?

« Mais arriverai-je à montrer ce que je vois ? J’en doute parfois. A force de tout reconsidérer, j’ai développé une vision des choses qui m’est propre et qui constitue désormais ma pensée. Cette pensée est-elle transmissible ? »

 

BILLETER Jean-François, Un paradigme, Paris, éd. Allia, 2012, p.11

 

La table. A l’écrire, un outil.

Appui. Orientation. La table, nécessaire au mot ?

 



GERNET Jacques, Le monde chinois, t.1 De l’âge de bronze au Moyen-Age, Paris, Armand Colin / Agora Pocket 2007, pp.54-55

« Les Chinois n’ont pas connu ce Dieu horloger et mathématicien grâce auquel les sciences modernes ont commencé à se développer en Europe : tout leur semblait s’expliquer trop simplement par le jeu et les combinaisons infinies d’énergies opposées et complémentaires. Ils eurent en revanche une vue plus saine des rapports de l’homme et de la nature, du corps et de l’esprit, mais aussi parfois, des intuitions ou des conceptions d’une étrange modernité : celles d’une transformation insensible et inéluctable des sociétés, du renouvellement incessant de la substance de toutes choses, de l’univers comme des êtres, de l’originalité radicale de chaque individu, ou encore cette notion de système où chaque élément n’a de sens que par sa place et son rapport avec les autres. Il y a un relativisme fondamental dans la pensée chinoise auquel notre Occident n’est parvenu qu’à une époque toute récente. »

 

 

Ce bruit de fond infernal.

Ce à quoi on n’échappe pas.

La ville.

Chantier permanent / de soi ?

 

 

 

 

Chercher hors. Sortir. Diluer ?

 

Marcher. Regarder.

La quête de quoi ? l’autre (de qui) ?

De toutes parts, le monde aboie.

 

 

 

 

 

                                                     [la Chine n’est pas en reste]

 

 

 

 

Décembre

 

 

Ciel de neige / ne tombera pas.

Géolocalisation : plein soleil de face.

 

— c’est à l’intérieur de la langue elle-même que tout advient.

 

 

 

Le cœur du silence / magma.

« garder ici — de l’étrangeté dont nous sommes, quelque chose en retour, comme air ou montagne, dans la langue garder — d’être allé à l’étranger, quelque chose comme air ou montagne, ici (…) »

 

Du Bouchet André, Ici en deux, Paris, nrf Poésie / Gallimard, 2011, p.108

[un jour, il faudra / quitter la Chine — s’enfoncer dans les bois]

« Ce qui advient, n’advient pas tant parce que quelques-uns veulent que cela advienne, que parce que la masse des hommes abdique sa volonté, laisse faire, laisse s’amasser les nœuds que seule une épée pourra ensuite trancher, laisse promulguer des lois que seule une révolte pourra ensuite abroger, laisse arriver au pouvoir les hommes que seule une mutinerie pourra ensuite renverser. »

 

GRAMSCI Antonio, La citta futura, 11 février 1917, in Pourquoi je hais l’indifférence, Paris, Rivages poche, 2012, p.56

Novembre

 

 

Je suis ici.

Vous êtes ici.

 

                                         où en sommes nous ?

 

 

 

 

 

 

 

 

L’automne a parfois un goût de chocolat.

« Filles du vent, martiales et belles

— fusils de cinq pieds.

Premiers feux du matin sur le champ de manœuvres

Filles de Chine aux goûts surprenants :

Préférez la tenue de combat aux joyeuses robes rouges ! »

 

Mao TSE-TOUNG, poème pour une photographie des milices populaires féminines, février 1961, in Mao Tse-toung, poésies complètes, introduction par Hua-ling Nieh Engle et Paul Engle, coll. Poètes d’aujourd’hui, Paris, Seghers, 1973, p.134

 

 

She / who was not you

 

Here

Autumn scent

A laugh

She

 

Her name / a reminder

 

[was it you ? ]

 

 

Pendant ce temps, la Chine.

Aligne des cases et des croix. Au large du Japon.

 

Un espace de détente.

Une situation sensible.

La fragilité d’un jour de pluie

immense territoire des forces

(rien d’inutile)

 

 

Un silence de surface.

Ne vois-tu pas ?

 

La débâcle lèche les rives du lac où Narcisse se noie.

 

Les cumulets du temps.

La table rouge.

L’erreur / forcément fatale.

 

 

 

 

 

 

[pour vivre vieux, vivons heureux]

« Le débat est la forme privilégiée de l’expression philosophique en Chine ancienne. Contrairement à ce qui se dit habituellement, la parole du maître n’est pas uniquement une réponse à des questions ; elle se déploie dans une relation triangulaire : le maître, le disciple et le contradicteur ; elle naît de l’affrontement avec une thèse opposée. C’est l’échange lui-même qui est censé fournir la matière de l’instruction. »

 

LEVI Jean, Eloge de l’anarchie par deux excentriques chinois. Polémiques du troisième siècle traduites et présentées par jean Levi, Paris, Encyclopédie des Nuisances, 2004, p.11

Ce matin, trois enfants se réveillent / contre le mur de la gare, les matelas, les couvertures, les jouets, l’air effarouché de la mère.

 

Progrès, pognon, patrie.

L ‘indifférence n’est pas générale — mais de quel jeu parle-t-on ?

 

 

 

S. comme sourire / entre les larmes.

 

L’indécence des soucis ridicules

ce que les mots ne diront jamais mieux que les actes.

Octobre

 

 

Des sacs de sable. Empilés.

De sable et de graviers. Des sacs.

 

Construction. Inondation. Protection ?

 

Tengchong / Brussels.

 

 

Limite rebelle, dissuasion passive, symptôme de quand ?

« La mémoire met le passé au présent et le présent au passé. Elle trouve ainsi son équilibre, et cette balance est peut-être le mouvement premier du sens »

 

NOEL Bernard, Le livre de l’oubli, Paris, POL, 2012, p.7

Cheveux d’ange, filaments de temps.

La mémoire des mots remplace les mots eux-mêmes.

Je n’ai plus de la chaleur que le bol de thé vide dans la paume, la saveur des chrysanthèmes sans les pétales fanés aux pieds des tombes.

 

A l’affût du moindre détail, je traque les odeurs et les bruits comme on poursuit une proie. La chasse est ouverte !

 

Encre épongé des buvards. Soupe de nouilles au canard.

Les potiches. La cendrée.

Qui ramène-t-on à la frontière ?

 

[c’est toujours de fantômes qu’il s’agit]

« Nuages d’hiver gonflés de neige : flocons en vol

Dix mille fleurs se fanent et soudain se font rares

Dans les hauteurs du ciel les courants froids en tourbillons

Dans la douceur terrestre le souffle chaud de l’air.

 

Seuls les héros vont chasser les tigres et les léopards

Et les hommes courageux ne craignent pas les ours.

Les fleurs de prunier aiment un ciel de neige

Comment donc s’étonner que le gel tue les mouches ? »

 

 

Mao TSE-TOUNG, « Nuages d’hiver », 26 décembre 1961, in Mao Tse-toung, poésies complètes, introduction par Hua-ling Nieh Engle et Paul Engle, coll. Poètes d’aujourd’hui, Paris, Seghers, 1973, p.161

 

 

 

 

 

Loin / n’est pas autre.

 

 

Septembre

 

 

Il faudra. S’interroger sur la nostalgie / un nouvel exotisme ?

Comment elle amenuise et rend muet, ce qu’elle (re)construit

jamais la Belgique ne m’a manqué / nulle part.

 

 

 

[désormais, hors d’Asie se compte en années]

« Après avoir parlé à Houei Cheu du chat sauvage, cet habile chasseur qui finit par se faire prendre, Tchouang-tseu lui explique que la recherche de l’utile mène à la ruine. Son arbre est précieux parce qu’aucun charpentier ne s’y intéresse, lui dit-il, et la valeur de mes idées tient justement à ce que nul ne peut s’en servir comme d’un moyen. Elles ont leur raison d’être en elles-mêmes. »

 

BILLETER Jean-François, Etudes sur Tchouang-tseu, Paris, éd. Allia, 2008, p.38

 

« (…) l’altérité de la Chine est invisible si celui qui parle d’ici, en Occident, ne se place pas quelque part où notre tissu monothéiste et capitaliste s’effrite, pourrit, se casse. Mais où ? »

 

KRISTEVA Julia, Des chinoises, ed. des femmes, Paris, 1974, p.16

 

 

 

 

 

 

 

Sans la Chine.

Sans toi.

Un pan entier [de moi] est tombé

dans l’oubli.

Ailleurs, un sac de luxe, un poignet quelconque, une identité transparente.

Un maroquinier (belge). Un capital (chinois). Un corps (people).

La mort de quoi ?

 

 

 

 

Ni chaud(e) ni froid(e) l’ombre portée des mots.

 

[… à Fukushima, les papillons ont commencé à muter… ]

Juillet / Août

 

 

Le grand silence de l’été — occupé à autre chose.

 

 

 

Aux dernières nouvelles / tout continue.

Au Nord, une plage (française). Des vacanciers (belges).

Sur le sable, un corps de femme (chinois).

Mort. D’avoir voulu rejoindre — quoi ? qui ? / d’avoir voulu vivre.

« Chaque geste, même le plus simple (ouvrir une porte), est une puissance agissante. »

 

BILLETER Jean-François, Un paradigme, Paris, éd. Allia, 2012, p.43

 



La force du quotidien.

Ce qui de lui avale, porte, transforme.

 

 

 

 

L'infime.

Et l'évidence.

« (…) plus qu’un rejet, il y a chez Tchouang-tseu une critique radicale du pouvoir. S’il conseille certes de s’en tenir éloigné, il recommande plus encore de le subvertir de la seule façon qui soit efficace : en l’atteignant dans ses rouages les plus secrets. »

 

BILLETER Jean-François, Etudes sur Tchouang-tseu, Paris, éd. Allia, 2008, p.48

 

 

 

 

Parfois, la Chine n'est plus qu'un geste qui sauve / de quoi ?

Juin

 

 

Les contours du lieu.

Le canal. Les chantiers. Les grues.

Accumulation de mondes — grandeur nature.

 

[ici, c'est toujours dans les marges que je la trouve — la Chine / les cieux ou le bord]

 

Hors d'elle / je suis.

Toujours saisie par la portée d'un jet (d'encre, de pierre, de bâton).

Au-delà du trait, la plume (ou le pinceau).

« Qu’il s’agisse de cartes-images ou de cartes-instruments, la séparation entre l’Orient et l’Occident est nette dans la cartographie sinisée :

le centre est occupé par la Chine. Il n’y a donc pas en ce cas de limites proprement dites entre l’Orient et l’Occident, contrairement à celles que tracent les Européens, puisque la Chine est entre les deux, au centre. »

 

PELLETIER Philippe, L’Extrême-Orient. L’invention d’une histoire et d’une géographie, Paris, Gallimard, coll. folio histoire, 2011, p.105.

L'écriture — en panne.

En mer du Nord, les Chinois maraudent.

Leur effort, esclave de quoi ?

 

L'écriture — en biais.

 

 

 

 

[en mer de Chine, les Gitans des mers sont des pirates /... 海上吉普赛人 - hǎi shàng jí pǔ sài rén - ... / indésirables sur le continent]

Mai

 

 

Marée basse.

Tous les jours, ils sont là. Les Chinois.

S'acharnent sur les bigorneaux. Les moules aussi / peut-être.

Pour le compte de qui ?

 

Marée haute.

Le tourisme d'un jour reflue vers la terre.

[nous avec]

« Il s’agit parfois de mettre en relation deux idées qui s’appellent, mais dont je ne vois pas encore le rapport. Je les laisse se chercher l’une l’autre. Tôt ou tard le rapport apparaît. Elles se combinent pour en former une nouvelle ou finissent par se repousser, ce qui est également instructif. »

 

BILLETER Jean-François, Un paradigme, Paris, éd. Allia, 2012, p.9



 

 

 

 

 

 

cette année, au printemps

 

[le petit chat est mort, dans un long cri d'agonie]

Avril

 

 

C'est une odeur de terre, de poussière et de feu.

Dans le bruit incessant de la bétonneuse.

La Chine.

Ou Bruxelles ce matin.

 

 

 

Avril — des souvenirs de pluie / aussi.

 

Mars. Zhaoxhing. Guilin. Guangzhou. Shanghai ?

La pluie glaciale. Les chants. Les danseurs.

Les larmes. Les bus.

Les années !

 

Mars aujourd’hui déjoue tous les pronostics.

Il n’a de chinois que les oiseaux du parc.

Et les cages / accrochées aux balcons.

« A ses débuts tout au moins, le taoïsme fut un mouvement de refus de l’idéologie officielle et de l’ordre existant. Ce radicalisme contestataire, pour marginal qu’il fût sur le plan de l’action pratique, n’en n’a pas moins perduré tout au long de l’histoire de Chine et nourri la réflexion des plus remarquables penseurs de cette civilisation. Il a alimenté les mouvements de désobéissance et de révolte qui ont périodiquement secoué la société chinoise. Il explique aussi le succès des idées anarchistes dans l’intelligentsia chinoise de la fin du XIXe siècle et au début du XXe. »

 

LEVI Jean, Eloge de l’anarchie par deux excentriques chinois. Polémiques du troisième siècle traduites et présentées par Jean Levi, Paris, Encyclopédie des Nuisances, 2004, p.18

« (…) à cette situation en apparence aporétique et anxiogène, je réponds (aussi) pour ma part, « poétiquement » si l’on veut, par une certaine pratique de l’écriture, entendue d’une certaine façon, non pas comme la transcription et la communication, la publication, de quelque chose que j’aurais « à dire » ou à redire, mais comme au contraire une manière d’exploration de ce qui ne se dit pas, ne saurait se dire, et une tentative pour restituer une espèce de temps-espace à la fois très présent et très inconnu, très évident et très illisible, indéchiffrable. »

 

GLEIZE Jean-Marie, Opacité critique, in « Toi aussi, tu as des armes », Paris, La fabrique éd., 2011, pp.36-37

 

 

 

 

 

 

[à chaque nouveau mot, manquent les mots] / Quel antidote ?

 

« J’entends par monde l’ensemble de choses parmi lesquelles nous vivons, créées par l’objectivation et le langage au sein de la réalité, et par réalité tout ce qui existe en nous et hors de nous, indépendamment et au-delà des formes créées par l’objectivation et le langage. »

 

BILLETER Jean-François, Un paradigme, Paris, éd. Allia, 2012, p.30

 

 

Le souvenir ravivé n’est qu’artifice. Il n’a plus rien du feu. Une anecdote.

 

 

 

 


Quand le ciel tombe d’un coup, sur toi.

Quand il a perdu son éclat.

Qu’il reste là, suspendu à rien, blanc, terne et froid.

Te sens-tu de retour ?

 

 

L’image-histoire.

L’image-construction.


on ne peut forcer le regard


à parler.



L’image /transmise, diffuse.

L’image sans mémoire.

 

 

Il portait une veste chinoise, bleue. De celle qui n’est plus traditionnelle que pour le touriste. Un vêtement de travail perverti. L’image de quoi ?

 

 

 


In-définition

(ce qui s’y pose, ce qu’on y pose).

 

 

« Le temps des occupations quotidiennes (…) est un temps horizontal. Celui de la pensée se ramasse sur lui-même et engendre un mouvement ascendant. Il est un pur présent. »

 

BILLETER Jean-François, Un paradigme, Paris, éd. Allia, 2012, p.99

Hier, Wez-de-chine. Un écart. Une béance.

 

 


 

 

 

[penser l’échappatoire]

                               ce qu’il faut.

« Quand l’homme vivait dans le temps, et non pas dans l’histoire, le passé n’était qu’un grenier. Chaque jour, alors, était un nouveau jour, et il fallait que l’homme se souvienne de l’avenir. L’histoire a des hasards, le temps, jamais. »

 

NOEL Bernard, Le livre de l’oubli, Paris, POL, 2012, p.37

 

[quand les Chinois cesseront-ils de rêver l’Europe ?]

 

 

 

La surface ne fait pas le terrain.

 

 

 

 



 

L’école chinoise.

Je passe devant.

Parfois, j’y vois entrer des enfants. Le plus souvent, personne.

[nous n’avons pas les mêmes horaires]

 


Soudain une odeur, une lumière.

Une brume / inachevée.

Un néon plus vif. Une fille aux cheveux verts. Une grue jaune.

 

La jeune femme me dit, dans son anglais incertain : « c’est beau, Bruxelles, c’est moderne ». Elle parle du Quartier Nord, aperçu depuis le train…

« La cage est le contraire absolu du territoire, non seulement parce qu’elle ne comporte aucune possibilité de fuite et d’évasion, mais d’abord parce qu’elle interdit le libre passage de la visibilité à l’invisibilité, qui est comme la respiration même du vivant.»

 

BAILLY Jean-Christophe, Le visible est le caché, Paris, Gallimard, 2009, p.18

 

On parle de Chine.

Et on ne sait rien.

Mars

 

 

Aléatoire.

Les mots. Les bouches. Les trottoirs.

 

On parle de la Chine – à la radio, dans les journaux, à la télé.

 

On parle de la Chine entière et morcelée.

Emeutes au Xinxiang, investisseurs attendus, contrats d’armement décuplés.

On parle de Chine et de crise.

D’étudiants, d’artistes, d’industriels. De mendiants, de putes, d’orphelins.

 

« Quel que soit le degré d’évidence auquel idéologi-

quement nous aspirons, auquel imaginairement nous nous identifions, écrire nous contraint à une certaine forme d’action restreinte, à quelque chose comme une traversée de l’opaque. Poétiquement nous sommes des acteurs incertains. (…)

Reste à savoir ce que nous pouvons faire de cette position. Quel parti nous pouvons tirer de notre impuissance. Quelle efficace de notre invisibilité.»

 

GLEIZE Jean-Marie, Opacité critique, in « Toi aussi, tu as des armes », Paris, La fabrique éd., 2011, pp.30-31

 

 

Quels stéréotypes ? phagocytes, parasites, composites ?

 

Le creux du monde.

[ici a besoin d’ailleurs]

 


Les généralités. Les surprises.

Verra-t-on fleurir l’orchidée ?

Reprendrons-nous la route ? et que fera-t-on de ce que l’on trouve ?


Février

 

 

C’est un ballon rouge. Dessus, une écriture blanche.

Tu me demandes ce qu’il y a de marqué : « China Landia », je te lis.

Un reste de Nouvel An ? une publicité égarée ?

Tu le gardes, longtemps, jusqu’à ce qu’il soit plat.

 

Le schème migratoire. Le chaînon manquant. Les oiseaux. Les vêtements.


Souvenirs de Cordoba, Tanger, Ronda…

Bruxelles, dentelles et chocolat, même combat ?

« Les discours que vous tenez sont de l’ordre de la trace ; la trace est l’effet de la chaussure, elle n’est pas la chaussure. »

 

 

BILLETER Jean-François, Etudes sur Tchouang-tseu, Paris, éd. Allia, 2008, p.64 [extrait d’un entretien imaginaire entre Confucius et Lao-tseu]

 

 

 

 

 

 

 

Ici, la Chine n’est pas.

« Ce que partagent les sédentaires (sédentaires par raison ou par nécessité) et les grands impermanents voyageurs est la conviction qu’il est impossible de se tenir véritablement ailleurs (…). Ce serait une leçon sur la relativité des lieux, pas vraiment un sermon sur la vanité des voyages : ce serait une façon de dire qu’échapper à soi-même est aussi difficile qu’échapper à ici. »

 

SENGES Pierre, Environs et mesures, Paris, Gallimard, 2011, p.95

 

 

 

[ce que je ne dis pas, le sera par d’autres que moi]

 

 

 


« Il est deux raisons qui expliquent la fascination de l’Occident pour l’Extrême-Orient. D’abord, parce que s’y joue sans conteste une grande partie de l’avenir de notre monde. Mais, plus en profondeur, parce que l’Extrême-Orient est très largement une invention de l’Occident. »

 

PELLETIER Philippe, L’Extrême-Orient. L’invention d’une histoire et d’une géographie, Paris, Gallimard, coll. folio histoire, 2011, p.9.

La Chine a tous les visages.

 

Ici, loin des évidences.

Danse.

La fin du monde.

Ose.

Le renversement.

 


Le pantalon (rose), l’étoile (filante), les bambous (n’importe où)

c’est de la langue qu’il s’agit / ce qu’elle soulève, dit, énumère. Energumène.

« La politique porte sur ce qu’on voit et ce qu’on peut en dire, sur ce qui a la compétence pour voir et la qualité pour dire, sur les propriétés des espaces et les possibles du temps. »

 

RANCIERE Jacques, Le partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La fabrique éd., 2000, p.14

Janvier

 

 

Le dragon. Arrive. Fougueux.

Certains exultent, d’autres crèvent / au bord du gouffre, la joie dans l’air.

 



l’écart ne se creuse pas où l’on croit.

 

 


« A force de chercher cet orient qui ne saurait être le nôtre, à force de vouloir le situer, l’homme curieux en viendrait à débusquer des régions autres que simplement terrestres, ou bien, faisant encore une fois confiance à la sphéricité du monde, bouclerait un voyage plein est jusqu’à l’Occident : et serait le premier surpris à confondre alors le paradis avec une sorte de retour chez soi, retour bredouille ou presque, riche d’une variété de fatigues. »

 

SENGES Pierre, Environs et mesures, Paris, Gallimard, 2011, p.84

Décembre

 

 

 

 

 

                                                                                  [temps mort]

 

« La poésie n’a pas de comptes à rendre sur la « vérité » de ce qu’elle dit, parce que, en son principe, elle est faite non  pas d’images ou d’énoncés, mais de fictions, c’est-à-dire d’agencements entre des actes. »

 

RANCIERE Jacques, Le partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La fabrique éd., 2000, p.56

Savoir où l’on est ici, l’avenir se joue.

[l’0rient / boussole interne]

 

 

 

 

 

Mettre en joue le présent fatigué.

 

« (…) appréhender le monde comme un tout qui ne cesse de se transformer, qui est intelligible à partir de la transformation à l’œuvre en lui et ne l’est que de cette façon-là, en tant que tout et en tant que transformation. »

 

BILLETER Jean-François, Chine trois fois muette, Paris, éd. Allia, 2006, p.11

« L’arbre remplaçait le nom de l’arbre et confirmait l’ailleurs longtemps inédit. »

 

HEAMS-OGUS Thomas, Cent seize Chinois et quelques, Paris, Seuil, 2010, p.105

 

 

 


 

 

 

 

Je remonte le cours du siècle, le corps d’une vieille horloge.

[ce que la parole ne dit pas]

 

« Ce pouvoir que la littérature tient du peu de réalité des mots, on comprend qu’elle en use volontiers pour montrer l’identité entre la vérité de la vie et son mensonge. »

 

 

RANCIERE Jacques, Les écarts du cinéma, Paris, La fabrique éditions, 2011, p.33

« La frontière séparant notre géographie réelle d’une géographie rêvée a des comportements d’horizon, elle s’éloigne à notre approche, mais reste toujours susceptible du moins vraisemblable, pour mieux nous séduire. »

 

SENGES Pierre, Environs et mesures, Paris, Gallimard, 2011, p.81

D’évidence – la Chine nomme.

Autre chose.

 

Le retournement. L’ancrage.

 

 

Au miroir de l’histoire, le cœur de soi.

La route. A travers.

 

 

D’évidence – immémoriale ressemblance.

L’individu. La terre plate. Insignifiance.

 

 

 

 

 

 

[quel paysage au-delà ?]

 

 

 

 

 

« Une relation n’est pas une réalité tangible, elle n’est accessible qu’à la pensée. »

 

BILLETER Jean-François, Chine trois fois muette, Paris, éd. Allia, 2006, p.12

« Tout parlait de leur différence, même ce qu’ils ne disaient pas. Mais ils sentaient que c’étaient des impressions transitoires, le temps de s’observer un peu, de dire à l’autre qu’il existe. Que cette étrangeté, précisément, ne tiendrait guère, car elle se transformait et les guidait vers une sensation dont ils avaient oublié la couleur, et qui les gagnait : dans ce sous-bois, au milieu de ces gens, ils n’étaient à présent plus les Chinois, comme on les appelait depuis des mois. (…) Ils n’étaient plus ce pour quoi on les avait concentrés et relégués. Ce à quoi on voulait qu’ils soient réduits. Ils n’étaient plus les ressortissants d’un pays ennemi, détenus pour risque de trouble à l’ordre public. Ils étaient des fuyards parmi les fuyards, des échappés parmi un groupe d’échappés, des différents parmi les différents, et en cela ils retrouvaient la maîtrise de ce qu’ils avaient de propre et de commun avec l’univers. »

 

HEAMS-OGUS Thomas, Cent seize Chinois et quelques, Paris, Seuil, 2010, p.101

On se lève dans le brouillard.

Ciel blanc. Aplatit tout.

On perd les ombres des plis, la trace du chant   depuis longtemps le coq s’est tu.

 

Le matin parle.

La couleur de ce matin-là.

« Un paysage politique », anone le réveil.

 


J’ouvre la porte : un temps chinois.

« (…) soudain dans le choix même du départ, la construction éperdue de l’oubli. »

 

HEAMS-OGUS Thomas, Cent seize Chinois et quelques, Paris, Seuil, 2010, p.96

Bruxelles n’invite qu’à l’évasion réelle.

 

 

 


[tu dis : « ce qui vient nécessitera toutes nos forces]

« (…) la société chinoise est désormais complètement soumise à la même logique économique que la nôtre. Ceux qui contrôlent les capitaux imposent dorénavant, comme ailleurs, la transformation de tous les rapports sociaux en rapports marchands. (…) la société chinoise me semble avoir été victime depuis 1949 d’un double séisme : d’abord d’une série de secousses verticales, celles qui fragilisent l’édifice, puis de secousses horizontales qui le font tomber. Le régime socialiste a brisé ce que les réformes économiques, c’est-à-dire le triomphe de l’économie de marché, sont ensuite venues ruiner tout à fait. »

 

BILLETER Jean-François, Chine trois fois muette, Paris, éd. Allia, 2006, pp.60-61

« La littérature n’est pas qu’un réservoir d’histoires ou une façon de les raconter, c’est une manière de construire le monde même où des histoires peuvent arriver, des évènements s’enchaîner, des apparences se déployer. »

 

 

RANCIERE Jacques, Les écarts du cinéma, Paris, La fabrique éditions, 2011, p.19

 

Novembre

 

 

Lumière d’hiver / à front de ciel.

Shanghai-Bruxelles, l’épaisseur du devenir   improbable rencontre.

 


[conversation de café, racisme ordinaire… / tu disais « comprendre la langue, c’est aussi entendre les mêmes conneries qu’ailleurs » ]

 

(s’) abstraire (d’) ici – difficile.

 

« Ils voulaient être loin, pour que leurs traces se perdent et leurs suiveurs se résignent. »

 

HEAMS-OGUS Thomas, Cent seize Chinois et quelques, Paris, Seuil, 2010, p.94

 

 

Tu dis : « ici, la Chine est loin ».

La trouver malgré tout ?   forcément autre.

 

 

 

 

 

La discrétion. L’adaptation ?

[pour vivre chinois, vivons cachés]

Sans dieu pour justifier la mort, la vie se renouvelle par le combat.

(la guerre au quotidien ?)

 

 

 

Je dis : « ici, la Chine n’est pas. »

La chercher malgré tout / improbable rencontre ?

un défi lancé à l’arbitraire du geste artistique.

L’anarchisme et les images.

L’importance de l’image. De ce qu’elle dit.


l’absence d’images de ce qui s’est dit.

 

 

 

 

 

[aujourd’hui, croisé une chinoise qui parlait de l’actualité de la bible, avec un africain… sur le campus de l’ULB !]

« (…) ils ne savaient que trop que le temps n’était pas une affaire de durée mais de densité. »

 

HEAMS-OGUS Thomas, Cent seize Chinois et quelques, Paris, Seuil, 2010, p.95

 

 

 

Aujourd’hui, l’absence porte un nom.

« La cachette est la règle d’or de l’habitation du monde où, pourtant, tout finit par se voir. »

 

BAILLY Jean-Christophe, Le visible est le caché, Paris, Gallimard, 2009, p.14

 

« Avec leur nom et leur matricule laissés sur des registres qui ouvraient la possibilité de leur traque, ceux qui devenaient des Chinois des bois s’enfonçaient dans la chênaie sur les pentes du Sasso et faisaient donc de cette fuite leur acte de guerre fondateur, sans la moindre arme si ce n’est un pas de plus franchi dans leur capacité à demeurer. Ils avaient repris leur principale activité, ils se remettaient à marcher. »

 

HEAMS-OGUS Thomas, Cent seize Chinois et quelques, Paris, Seuil, 2010, p.94

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  où chercher encore ?

L’ossature de l’espace.

 

Franchir.

Il faudra ce mot-là.

Atteindre, aussi. Après. Peut-être.

– la perspective dé-saturée.

 

 

[le son du dehors, trop familier / à quoi bon fermer les yeux ?]

Octobre

 

 

 

On appelle ça « bruit de fond »

 

  la qualité de l’ombre.

 

 

 

 

 

[ici n’est pas chinois]

« Si tu voyais devant toi quelqu’un qui se métamorphose en arbre, est-ce que tu ne lui demanderais pas tout de suite comment il y parvient. Et si les autres te voient faire, ne vont-ils pas te demander comment tu fais et alors, si tu as peur de leur refuser, tu livreras le secret, et si tu refuses de répondre, ils te maltraiteront. Tu es en train de t’engager sur une route pleine de dangers. »

 

WOU TCH’ENG-EN, Le singe pèlerin ou le pèlerinage d’Occident, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2010, p.34

 

 

 

 

 

[lâcher prise n’est pas perdre appui]

« C’est une hypothèse proposée par la reine Elisabeth Tudor sous la plume de l’écrivain hongrois Miklos Szentkuthy (Escorial) : La Chine, la Chine lointaine et panoramique, est pour l’Angleterre le moyen terme entre le monde imaginaire et les terres bien réelles d’ici-bas : ni l’Orient paradisiaque inaccessible ni le cadastre de Grande-Bretagne, mais un pays de merveilles situé presque à portée de main : au-delà de l’horizon mais appartenant à la même planète, à une même géographie : le surnaturel accessible par les voyages des négociants ou des aller-retour d’ambassadeurs en quête de culture, de traités et de bénéfices. »

 

SENGES Pierre, Environs et mesures, Paris, Gallimard, 2011, pp.31-32

 

Déjà.

Ce mot-là / jalonne.

Déjà. N’annonce rien. Constate.

 

L’automne. Grimpe aux arbres, compte les heures.

[ce que le deuil ouvre]

 

 

 

Au bout des rails, la Chine.

Septembre

 

 

Le vert / attend toujours.

Le feu.

 

[vert, celui qui peut. rouge, celui qui veut.]

« On commencerait par interroger les oracles, puis les exégètes, pour leur demander ce qu’il y a de commun entre disparition du sommeil et naissance du récit (peut-être l’intuition de l’éternité, un désir et une crainte). »

 

SENGES Pierre, Environs et mesures, Paris, Gallimard, 2011, pp.29-30

« Un véritable planeur aérien, dit le Patriarche, est capable de partir le matin de bonne heure de la Mer du Nord, de traverser successivement la Mer de l’Est, la Mer de l’Ouest et la Mer du Sud et de revenir à Ts’ang-Won. (…) Faire le tour des quatre mers en une journée, voilà ce qui s’appelle voler.

– Cela doit être bien difficile, dit le singe.

– Rien au monde n’est difficile, rétorqua le Patriarche, c‘est notre esprit qui fait paraître les choses ainsi. »

 

WOU TCH’ENG-EN, Le singe pèlerin ou le pèlerinage d’Occident, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2010, pp.32-33

Août

 

 

L’aube sans brumes / n’existe pas (ici).

« Un art n’est jamais simplement un art ; c’est toujours en même temps une proposition de monde. »

 

 

RANCIERE Jacques, Les écarts du cinéma, Paris, La fabrique éditions, 2011, p.45

 

« La longue liste de dynasties établie par les historiens chinois n’est sans doute pas étrangère à la croyance répandue en une sorte d’immobilisme. Mais là où on serait tenté de ne voir qu’inertie et répétition, il n’y eut que vie et bouleversements. »

 

GERNET Jacques, Le monde chinois, t.1 De l’âge de bronze au Moyen-Age, Paris, Armand Colin / Agora Pocket 2007, pp.40-41

 

Toujours, à travers la Chine / dire.

 

L’universel de.


« L’exploration du monde par le sédentaire se fait au moyen d’une imagination plus ou moins habile, de ses innombrables et prodigues préjugés, de connaissances tronquées, mal rapportées, mêlées à d’autres, battues comme des cartes ou comme des œufs (…) : la Chine n’est pas un non-lieu, elle demeure la Chine même sous son déguisement de Chine de légende et de guide de voyage. »

 

SENGES Pierre, Environs et mesures, Paris, Gallimard, 2011, p.47

 

L’heure.

L’heure est là.

 

 

 

 

 

[la pluie qui tombe ne désamorcera pas les bombes]

« Se limiter à l’art, c’est oublier que l’art lui-même n’existe que comme une frontière instable, qui a besoin, pour exister, d’être incessamment traversée. »

 

 

RANCIERE Jacques, Les écarts du cinéma, Paris, La fabrique éditions, 2011, p.13

 

 

 

 

 

A quand le vrai courage ?

« L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? »

 

 

PEREC Georges, Espèces d’espaces, Paris, Galilée, 1974/2000, (prière d’insérer)

 

Le point de non-retour.

On appelle ça comme ça.

 

(là où j’en suis / là où je suis)

 

Le retour.

Sa possibilité, son impossibilité – dépassés.

 

 

 

En Belgique, on mange du chocolat (pour oublier).


Juillet

 

 

Ciel du nord

– charrie ses ombrages. (A l’intérieur aussi).

Tout sent l’orage / rien n’éclate.

A quand le vrai carnage ?

 

Revenir.

Les arbres plantés, la terre souche.

Revenir vers quoi ?

 

(.)

« J’ai cherché ce point d’où un tout devient visible. Le point qui s’est imposé est plus éloigné que celui où se placent habituellement les sinologues. Il offre à la vue un espace plus vaste et un temps plus long. Il est aussi plus éloigné en ce qu’il est en deçà des différentes disciplines que l’on pratique séparément aujourd’hui. Le point une fois trouvé, la difficulté a plutôt été de l’ordre de la composition. »

 

BILLETER Jean-François, Chine trois fois muette, Paris, éd. Allia, 2006, p.11

s'interroger

[sur la circulation de la pensée plutôt que sur la circulation des biens]


de chine


[...]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

©2011-2013 anne penders

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